
Sentier Mémoire de Salles-Arbuissonnas
Inauguré le 18 juin 2025, le Sentier Mémoire de Salles-Arbuissonnas est le deuxième né sur le territoire du Rhône. Objectif : proposer des tracés de randonnée en proximité de sites ayant connu des moments tragiques ou de Résistance tout en valorisant le travail de mémoire réalisé par de jeunes Rhodaniens.
Sur les traces d’un couple d’enseignants Justes parmi les Nations
À Salles-Arbuissonnas, ce sont les actes héroïques d’André et Simone Romanet, un couple d’instituteurs Résistants du Beaujolais ayant sauvé des dizaines d’enfants, notamment juifs, durant la Deuxième Guerre mondiale, qui sont rappelés. Explications.
En 1943, dans la région lyonnaise, la Gestapo dirigée par Klaus Barbie et aidée par la milice française, traque les personnes juives, les Résistants afin de les envoyer vers les camps de la mort. Simone et André Romanet qui sont enseignants dans l’école communale de Salles-Arbuissonnas, s’engagent contre cette répression.
Les Romanet, proches de la Résistance et ayant plusieurs fois aidé des enfants en danger, sont contactés par Pierette Lalou, au nom de l’organisation juive « OSE » en 1943. Ils acceptent de faire partie de la filière de sauvetage des enfants juifs que patronnait l’archevêché de Lyon. Comme André le dira : « Il nous était insupportable de voir des gens rejetés et massacrés non pour ce qu’ils auraient pu faire, mais pour ce qu’ils étaient : juifs, tziganes ou autres. Il nous était encore plus insupportable qu’on puisse tuer des enfants alors qu’ils étaient tout notre souci, pour nous, instituteurs. »
Les Romanet devant l’école de Salles en 1932
À partir d’avril 1943, trois ou quatre enfants, convoyés par des Résistants lyonnais, arrivent ainsi chaque semaine au village de Salles. André les conduit à bicyclette chez des paysans des environs qui acceptent de les héberger moyennant une modeste pension (environ dix francs de l’époque). Parfois les enfants passaient plusieurs jours chez les instituteurs en attendant qu’on leur trouve une famille d’accueil. André Romanet gardait ensuite le contact avec eux et vérifiait, en venant payer leur pension, qu’ils étaient bien traités.
Il place ainsi une soixantaine d’enfants, au mépris du danger que cette activité lui fait prendre. Comme les Romanet, la majorité des familles d’accueil savait qu’ils étaient juifs et connaissait les risques. À certaines familles, « moins sûres », le couple faisait passer les enfants pour des réfugiés des villes bombardées de la zone Nord.
Pour « couvrir » ses activités, André Romanet, par ailleurs secrétaire de mairie, devient correspondant du Secours national, l’organisation caritative officielle vichyssoise. « Nous venions ma femme et moi de perdre un petit garçon, de moins d’un an, au début de 1944. Nous l’avons enterré le jour du drame d’Izieu. C’est au cimetière qu’une femme du Secours national m’a demandé si je pouvais cacher des enfants juifs. Dès le lendemain, nous accueillions nos premiers enfants. »
Au cours des semaines suivantes, André et Simone recueillent quelque soixante-dix enfants, dont quarante jeunes juifs soustraits in extremis à l’imminence des rafles, et dont, pour la plupart, les parents furent déportés.
Après la Libération, les Romanet fondent un orphelinat pour les centaines d’enfants réfugiés dans la région dont les parents avaient disparu. Près d’un millier de jeunes, pour la plupart des juifs, s’y succéderont. André Romanet, devenu professeur de pédagogie à l’université de Nanterre, déclarera plus tard : « Au moment où le monde entier semble oublier tout idéal humain, où la violence succède à la haine et engendre des haines nouvelles, il me semble qu’il est plus que jamais nécessaire de croire aux liens entre tous les hommes dans l’incommensurable richesse de leur diversité. »
Le 8 septembre 1996, le Mémorial Yad Vashem a décerné à André Romanet et à sa femme Simone, le titre de Justes parmi les Nations. Deux arbres perpétuent la mémoire d’André et de Simone dans l’allée des Justes à Jérusalem.
Valoriser le travail de Mémoire mené par des collégiens rhodaniens
Dix collégiens âgés de 13 et 15 ans du Département du Rhône ont pu étudier l’engagement des Romanet dans le cadre d’un stage proposé par le Département et la Ligue de l’Enseignement, « Les reporters de l’Histoire » qui s’est déroulé du 24 au 28 février. Objectif : découvrir, comprendre et raconter les actes héroïques du couple Romanet, et réaliser un film sur ces instituteurs, Résistants et Justes parmi les Nations, accompagnés par une vidéaste professionnelle. Leur projet de vidéo documentaire, réalisé avec l’aide et l‘accompagnement d’une archiviste des Archives départementales et métropolitaines ainsi que d’un enseignant en histoire-géographie, est mis en valeur dans le cadre du nouveau « Sentier Mémoire » de Salle-Arbuissonnas qui revient sur l’engagement du couple Romanet.